Viens voir les musiciens !
Marc Fosset s’en est allé…
Marc Fosset s’en est allé sans faire de bruit. Aux Arts Appliqués où nous étions élèves, nous découvrîmes très vite notre passion commune pour la guitare. Mais lui possédait une grande technique. Pas avare de conseils, je le revois en train de me tordre les doigts pour me montrer un nouvel accord de jazz. Il avait en plus, comme on dit, l’oreille absolue.
Ma fierté, c’est de lui avoir fait connaître les musiciens du Marché aux Puces. Il ne connaissait pas Montagne, le guitariste manouche qui se produisait à l’époque. Par la suite, tous ses week-end, il les passait là-bas à piquer les plans et à observer le jeu du guitariste. C’est là qu’il s’est mis à jouer comme Django, c’est à dire avec seulement deux doigts pour les chorus.
Marc était discret mais avait un sens de l’humour comme quand il imitait Claude François. Quand il me regardait gratter quelques accords, avec une certaine taquinerie amusée et amicale, il prenait sa tête entre ses mains et me lançait d’une voix aiguë «Oh le Génius !». Je faisais comme on dit «la pompe» pour accompagner façon manouche ses chorus et souvent il me reprenait quand parfois je montrais une forme de lassitude en ralentissant le rythme. Nos aventures musicales des Artz’a pouvaient se transformer en un trio insolite quand Marc se mettait au piano, qu’il y avait à la batterie Jean-Claude Jouy et moi sur une improbable basse électrique.
Nos chemins se sont séparés doucement, chacun affrontant son destin. J’ai l’ai revu bien après dans un club de jazz où se produisait Cortex, un groupe de jazz rock. Je lui demandai ce qu’il en pensait et de son regard et sans dire un mot, je compris qu’il n’aimait pas. Et, la toute dernière fois, c’était au New-Morning. Il y avait John Scofield, Dave Liebman et Adam Nussbaum, un batteur comme j’en ai rarement entendu ! Marc était accoudé au bar et j’ai bien senti qu’il était littéralement galvanisé par le jeu de Scofield qui l’intriguait par sa modernité désarmante.
René Oghia