UN FACTEUR EST NE
Adolphe Sax, de son vrai nom Antoine Joseph Sax, est né en Belgique, à Dinant le 6 novembre 1814. Fils aîné de Charles Joseph, il fut élevé avec ses frères dans l’ambiance des ateliers de son père, facteur d’instruments installé à Bruxelles. La présence permanente d’outils et d’instruments en tous genres fît naître chez Adolphe Sax l’envie de se lancer lui aussi dans la facture instrumentale. Afin de pouvoir jouer et mettre à l’épreuve les instruments qu’il fabriquait, il suivit une formation musicale où il apprit la flûte, la clarinette et l’harmonie.
ADOLPHE SAX UN PERFECTIONISTE
En jouant de la clarinette, Sax s’est aperçu de son imperfection et il travailla afin d’améliorer cet instrument. En 1838 Sax déposa son premier brevet sur un nouveau système de clarinette basse ; l’instrument fût encore perfectionné en 1840.
LE LANCEMENT D’UNE CARRIERE

Cette nouvelle facture de clarinette basse a permis à Sax de sortir du lot des facteurs d’instruments et d’être reconnu du grand public et des milieux musicaux. La clarinette était devenue un instrument plus pratique, plus juste. De plus, ses contributions dans les expositions nationales de l’industrie Belge contribuèrent également à la reconnaissance et au succès d’Adolphe Sax.
LA FRANCE COMME TERRAIN D’EXPERIENCES
Vers les années 1835 on parlait beaucoup d’une éventuelle réorganisation des musiques militaires en France. Adolphe Sax fut séduit par cette idée. Encouragé par les sympathies de plusieurs musiciens et critiques musicaux, il quitta la fabrique de son père où il était chef d’atelier, pour aller tenter sa chance à Paris.
Ainsi, il ouvrit en Juillet 1843, une fabrique d’instruments de musique au 10 rue Neuve Saint Georges à Paris.
LA GARDE INNOVE AVEC SAX
Il avait vu juste, la réorganisation complète des musiques militaires en France eut lieu en août 1845 et les nouveaux instruments d’Adolphe Sax, les saxhorns, les clarinettes basses et les saxophones furent adoptés dans les musiques réglementaires.
D’autre part la nouvelle organisation instrumentale des musiques militaires reposait en grande partie sur ses idées. Une famille entière de saxhorns était utilisée dans chaque régiment; des saxophones entraient dans la composition des musiques d’infanterie, et la majorité des autres instruments en cuivre étaient du système Sax.

LE NUMERO GAGNANT
Sax avait inventé nombre d’instruments à vent hybrides (digne de Gaston La Gaffe, célèbre musicien amateur belge ayant joué dans de nombreuses B.D.). Ses trompettes à multiples pavillons sont des pièces rares recherchées par les collectionneurs (la maison SELMER en a d’ailleurs conservé une très belle collection.)

Cependant, parmi tous ses instruments, celui qui a rendu Adolphe Sax à jamais célèbre est le saxophone.

Sax dépose un brevet pour spécifier ses intentions sur ce nouvel instrument (Brevet français N° 3226 du 21 mars 1846). Il dira : « On sait que, en général, les instruments à vent sont ou trop durs ou trop mous dans leurs sonorités. Je veux créer un instrument qui par le caractère de sa voix se rapprochera des instruments à cordes, mais qui possédera plus de force et d’intensité que ces derniers ».
L’OISEAU A ANCHE
Le tout premier saxophone qu’il construisit, à Paris (rue Myrha dans le 18e arrondissement), en 1842, était un saxophone baryton en fa. Ce tout premier saxophone présentait toutes les caractéristiques du saxophone actuel : tube métallique à perce conique, bec à anche simple et système de clés Boehm, mais il avait encore la forme générale d’un ophicléide : «serpent à clés » (ne pas confondre avec le dieu Inca, qui lui fonctionne avec des plumes). Une superbe mutation dont l’imago emprunta le bec, la forme de la clarinette basse et le corps du serpent qui conserva ses clés. Le documentaire animalier venait de rater un scoop.

SAX EN SCENE
Les instruments d’Adolphe Sax furent également adoptés officiellement à l’Opéra de Paris dès 1847 quand Verdi utilisa des saxhorns sur la scène pour son opéra intitulé Jérusalem. A cette occasion Adolphe Sax fut d’ailleurs nommé chef de la fanfare de l’Opéra. On fit appel à lui chaque fois que l’Opéra avait besoin d’une fanfare sur la scène, Sax était tenu de fournir une vingtaine de musiciens.
LA REPUBLIQUE CHASSE LE SAXOPHONE
Quand la République se substitua à la Royauté en février 1848, Sax, qui était attaché à la famille d’Orléans, fut victime de ce changement de régime. La décision ministérielle de 1841 fut abolie et les instruments Sax (saxophones, saxhorns et clarinette-basse) se trouvèrent exclus de la composition instrumentale des musiques militaires; ils furent remplacés par des hautbois, bassons et trompettes.
LE SAXOPHONE REVIENT AVEC L’EMPIRE
Le retour à l’Empire permit à Sax de faire apprécier une nouvelle fois ses instruments. Napoléon III fit savoir qu’il désirait une musique modèle pour le régiment des guides de la Garde nationale. Sax réunit une cinquantaine de musiciens et fit entendre, devant un auditoire de marque, une musique modèle organisée selon ses idées. Cet ensemble donna par la suite de nombreux concerts publics sous le nom de Société de la Grande Harmonie. L’Empereur fut enthousiasmé et la réorganisation de la Garde Impériale fut décrétée en mai 1854; basée sur le système proposé par Sax. Cette année-là, la bienveillance de l’Empereur à l’égard de Sax se manifesta par sa nomination au titre de « facteur d’instruments de musique de la maison militaire de l’Empereur ».
TAPIS ROUGE POUR LE SAXOPHONE
En 1855, le saxophone est exposé pour la première fois à l’Exposition Industrielle de Paris. Le 3 février de cette même année, Berlioz, un grand ami de Sax, dirige lors d’un concert son choral « Chant sacré » qui inclut le saxophone. En décembre, le saxophone fait ses débuts d’orchestre au Conservatoire de Paris dans l’opéra de Jean-Georges Kastner , Le Dernier Roi de Juda.
Monsieur Adolf Sax était un homme de pouvoir, parmi ses relations : le Baron Rothschild, sut reconnaitre l’intérêt de ses inventions et fournir l’aide financière nécessaire. La grande porte était ouverte, le tapis rouge déroulé. Adolf Sax se prenait à rêver d’équiper des locomotives avec des cheminées musicales, elles descendraient la vallée du Rhône – procédé simple, les lâchés de vapeur transformeraient leurs sifflements en accords dignes des grands orgues. Cela ne se fit point. La montagne St Geneviève pouvait continuer à couver tranquillement ses œufs de Dinosaure.
SAX ET LA CONCURRENCE
Les travaux d’Adolphe Sax ne lui valurent pas que des satisfactions. Ses succès devaient d’ailleurs provoquer la jalousie de ses nombreux concurrents qui dès 1845, s’organisèrent en une véritable coalition. Les inventions de Mr Sax les ringardisaient ; soit ils suivaient le mouvement, soit ils changeaient de métier. Adolf Sax échappa à au moins deux tentatives d’assassinat.
SAXOPHONE ET POILUS
La légende dit que la dé-classification de la première génération de saxophone eut lieu à la fin de la guerre de 14-18. L’armée vendit ses instruments réformés. Le contingent américain n’a pas encore rapatrié ses troupes. Profitant de ces ventes, de nombreux soldats U.S. achètent des instruments et l’on voit, pour la première fois, de nombreux G.I. noirs revenir au pays avec THE SAXOPHONE.
SAXOPHONE ET DEBUSSY
Rapsodie pour orchestre et saxophone. Une composition de Debussy et Roger-Ducasse en 1911 pour saxophone solo et orchestre.
A voir et écouter sur youtube interprété par le soliste Federico Mondelci.
Rapsodie pour orchestre et saxophone
SON, SAXOPHONE ET DESTIN
De nouveaux fabricants de saxophones prirent le relais et le saxophone pu faire son chemin outre atlantique où une véritable révolution sonore l’attendait. D’abord utilisé de manière rudimentaire en section, le rôle du saxophone change rapidement de dimension, pour devenir un instrument soliste incontournable.
Le saxophone est adopté par une nouvelle musique qui se forme dans la communauté afro-américaine : le jazz.
L’alliance des stridences sonores et de la virtuosité va bousculer la musique. Le Jazz a trouvé son instrument mélodique.
LE SAX APPEAL
Phantasme né d’un jouet, rencontre d’une locomotive et d’un pouce géant ou une hanche ligaturée a pris la place de l’ongle, « La Locomotive à Bouche » commence à se matérialiser dans vos esprits. En feed-back, le bruit des rails rythmera la naissance du Jazz. Fin du deuxième Millénaire, ouvrez le ban : Le saxophone est en TRAIN de naître sous vos yeux. Instrument emblématique du XXème siècle, le saxophone est certainement l’une plus grande création artistique de la Révolution Industrielle, en tout cas, ce n’est certainement pas un saxophoniste qui vous dira le contraire.
Une incroyable saga va se déchaîner. Des musiciens incontournables définissent de nouvelles règles: Coleman Hawkins, Lester Young, Charlie Parker, John Coltrane, Sonny Rollins et tant d’autres. La locomotive à Bouche n’a pas fini d’envoyer ses chorus.
LE SUCCESSEUR DE SAX
Adolphe Sax meurt en février 1894, au 16 rue Frochot. Il repose au cimetière de Montmartre.
Son fils, Adolphe-Edouard (1859-1945), poursuit tout d’abord les affaires de son père et utilise le même monogramme AS – avec Paris dans le S – et signe Adolphe Sax fils. Cependant, en 1928 la maison Sax est reprise par Henri Selmer et les instruments porteront à ce moment là, la double marque : Adolphe Sax – Henri Selmer.
FABRICANTS DE SAXOPHONE
Après les manufactures d’Adolphe SAX, d’autres fabricants se sont fait connaître : Buescher, Kohlert, Evette et Schaeffer, Buffet-Crampon, dont les plus grands KING, CONN, MARTIN, SELMER, YANAGISAWA, YAMAHA, etc … cette liste n’est pas exhaustive.

L’ÂGE D’OR DU SAXOPHONE
La qualité des saxophones a grandi avec le jazz et la facture a abouti à une véritable excellence à la fin des années quarante. Le saxophone a connu son âge d’or. Ainsi le King »Super Twenty », le Selmer »Super Balance » ou encore le Martin »The martin » tous fabriqués entre 1945 et 1949 sont toujours des références incontournables. En 1954, Selmer sort son modèle »Marck VI », le saxophone le plus prisé de tous les temps. Il offre ce petit chef d’oeuvre mécanique à Stan Getz, à John Coltrane et bien d’autres. Ainsi la marque française n’eut aucun mal à conquérir le marché américain et à s’imposer en Europe. Les autres fabricants comme Millereau, Gautrot, Couesnon, Pierret, Beaugnier, Buffet-Crampon ou Strasser-Marigaux-Lemaire, sont alors peu à peu contraints d’abandonner la production de saxophones.
L’INDUSTRIALISATION DIMINUE LA QUALITE
A l’époque de l’âge d’or, les saxophones étaient fabriqués artisanalement avec beaucoup de soin pour obtenir un son généreux, une bonne ergonomie et une légèreté de l’instrument. Certaines des qualités fondamentales de cette époque se sont progressivement perdues avec l’industrialisation de la fabrication et la disparition de la quasi totalité des grandes marques.
UNE NOUVELLE MARQUE ARTISANALE SOMMEILLE
David Barrault, facteur de saxophones français, travaille actuellement sur un projet de fabrication d’un saxophone qui sera le must en la matière. Cette lutherie pour cuivre renouera avec l’âge d’or du saxophone.
Vous pouvez suivre son projet avec cette première vidéo « La forge du saxophone »
Jean-Luc Beye et François Vitalis